samedi, avril 08, 2006

DADA CHANTE EN FAISANT LA LESSIVE

La buanderie, un petit bâtiment aveugle s’appuyait sur la façade intérieure de la maison, sa porte abritée par la marquise de tôle.
Cette pièce toute en longueur abritait deux énormes bacs de ciment gris délavés par l’eau et le savon. Ma mère et Dada, une vielle femme algérienne que nous employions, y faisaient la lessive tous les lundis. Dans cet endroit frais sans fenêtres, dont la seule ouverture était toujours à l’ombre, se mêlaient de multiples odeurs.
D’abord celle du savon frais et du linge humide et savonneux décuplée par la chaleur des lessiveuses et par la vue de l’eau blanchâtre comme du lait qui coulait en permanence sur le ciment des bacs.
Un gros bloc de savon de Marseille dans ses mains tatouées, Dada chantait, des mélodies psalmodiées qui sortaient de sa bouche édentée de vieille femme nostalgique.
Elle portait plusieurs couches de vêtements, et sur sa tête un turban noué qui descendait bas sur ses yeux noirs dont le regard nous donnait un sentiment très fort de tristesse résignée.
Elle s’arrêtait soudain dans ses mouvements pour nous regarder profondément, comme si elle voulait nous transmettre les angoisses de sa vie, ses pensées les plus intimes, et une folle espérance que tout continue sans changer jamais, nous ici et elle dans cette buanderie chantant en lavant notre linge sale.
Ses chants accompagnaient doucement les jours de lessive résonnant comme un bourdonnement incessant et grave tout au long des journée de lessive.

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